Un weekend à Saint Flour ? Oui mais avec une raison valable…
Pour aller passer un weekend à Saint Flour il faut une raison valable.
Une durite de la 4 chevaux qui pète sur la route des vacances et le bouchon gras, la gitane papier maïs collée au coin du bec qui marmonne dubitatif devant le moulin fumant… « ben ça, faut commander la pièce »… Une thèse sur les Saints qui ne fourbissent pas de prénoms usuels (Flour, Ouen, Cloud, Front, Yorre…) J’allais rajouter Gildas mais j’ai eu un Gildas comme élève, lequel Gildas n’était pas breton mais africain, originaire d’un de ces merveilleux pays qui nous décline un florilège de prénoms qui renvoie la litanie des Mathis, Enzo et autres Kevin au magasin des cucuteries ambiantes… ah l’Afrique et la poésie de ses prénoms improbables… mais je m’éloigne de mon propos.
Non, notre raison était musicale. Hybernarock. Festival de musique cantalien qui avait inscrit dans sa programmation le nom d’un artiste que je souhaitais écouter depuis longtemps : Renaud Garcia Fons.
Alors ni une ni deux… Direction Saint Flour pour un week end cantalien.
Il faut dire qu’après une traversée de la Margeride, la vision de la ville ne manque pas d’allure ! Juchée sur sa planèze, plateau volcanique, la cité avec les tours de sa cathédrale en impose dans le paysage !
Sur la morne planèze, étendant ses bruyères
Le matin gris succède, à la nuit ténébreuse.
La brume se dissipe, aux confins des vallées.
C’est alors qu’apparaît, l’âpre Cité du Vent…
… dit le poète… ça oui du vent il y en a sur la ville haute ! Mais c’est l’hiver pas très étonnant qu’il fasse frisquet à 900 m d’altitude !
Le concert ayant lieu le soir nous avons l’après midi pour flâner, direction les deux musées de la ville et surtout la cathédrale.
Des cathédrales on peut en voir de toutes sortes, dentelles de pierres, arcs boutants et voûtes vertigineuses, statuaire allégorique et foisonnante, vitraux de lumière …
Mais la cathédrale de Saint Flour, non, ce n’est pas ça… Austère ? Oui peut être…
Comme si on avait greffé deux donjons de pierres grises sur un hangar à sous marins du mur de l’atlantique. Du solide fait pour durer, sans chichi, du costaud, pas de la cathédrale de frimeur. Oh mais tout ce qu’il faut à l’intérieur, quelques tableaux, un meuble doré tout ce qu’il y a de plus chic pour caser les nonos de Flour le saint patron En somme rien de superflu…
Et puis le concert…
Si nous étions venu spécialement pour écouter Renaud Garcia Fons voici qu’on nous proposait une première partie. Nibs van der Spuy …
Tiens donc un batave ? Voyons cela .
Mais point de hollandais, que nenni ! C’est d’un d’un Sud Africain qu’il s’agit… Un sudaf, un probable descendant de Boers …
Et là divine surprise ! Cela s’appelle une découverte.
Le garçon est d’un gentillesse extrême, d’un politesse exquise, le type hyper sympa, cool, vraiment un bon garçon.
Mais surtout quel talent ! De jolies balades bien troussées qui me font irrésistiblement penser à Sting. Il me revient en mémoire ce concert dans le théâtre antique de Vienne au crépuscule du siècle dernier, juste avant notre déménagement pour l’Anatolie… « English man in New York » dans le soleil couchant…
La musique de Nibs prend sa source dans les terres Zoulou de cette Afrique Australe lointaine que Johnny Clegg a su nous rendre plus proche. Asimbonanga !!!
Et puis vint Renaud Garcia Fons …
Le festival est placé sous le signe du voyage… Et quel voyage avec ce contrebassiste de génie… Quel trip !
Contrebassiste…
On garde en tête le doum, doum, doum répétitif derrière le chanteur à texte où les gros instruments qui grondent planqués derrière l’orchestre tandis que le premier violon miaule son solo sous le regard gourmand et complice du chef d’orchestre …
Oubliez tout cela … La musique de Garcia Fons se glisse entre pièces baroques du 17ème et musiques traditionnelles kurdes. Elle court sur des chemins de traverse, escalade les cimes du Taurus, plongent dans le faste de la Vienne impériale, glisse maquée sur un canal vénitien pour éclabousser de sang le sable d’une arène andalouse. La méditerranée cimente cette sarabande jubilatoire…
Je ferme les yeux et je me retrouve sur une de ces routes d’Anatolie que nous avons tant sillonnées. La steppe et ses collines couleur de paille, les vestiges d’un han, caravansérail seldjoukide de Cappadoce. Je ferme les yeux et je suis de nouveau à Ağzıkarahan près d’Aksaray. Il fait chaud, la voiture est poussiéreuse, les enfants courent se dégourdir les jambes… Tous non … Benjamin se rencogne dans son coin le nez dans son bouquin… Souvenirs…
Deux musiciens accompagnent le maestro. Un instrument déroutant, un théorbe, luth démesuré et un ensemble de percussion à main animé par un petit père génial habité par sa musique et qui tressaute au rythme de ses frappes.
Voyage…
Franchement vous en connaissez beaucoup vous des contrebassistes qui vous claquent un Flamenco sur leur instrument dans un dernier rappel ?
lien direct vers les photos (pour les handicapés du Flash…)