Un chemin de fer pour Modestine…
Voyager n’a de sens que si l’on y consacre du temps… Le temps du voyage ne saurait être un temps perdu.
Aussi lorsque me vient l’envie d’une brève escapade en direction des Cévennes toutes proches, la première idée qui me passe par l’esprit c’est évidemment d’emprunter le chemin de Stevenson. Mais la perspective de m’encombrer d’un bourricot, ne fût ce que pour porter mon bardas, ne me réjouit guère… et puis je n’ai qu’un jour…
Par chance il reste un moyen tout aussi jubilatoire de voyager : le train !
Pas un avion sans aile à très grande vitesse, pas un de ces trains affublé d’un misérable numéro… Non, il est encore des trains qui portent des noms. Si le Mistral ou le Capitole ont été bouffés par le colombin à grande vitesse… par bonheur il existe encore des trains de légende.
Oui mais attention, il faut faire gaffe, tenez par exemple, L’Orient Express serait bien tentant mais, mais … méfi, le risque est grand de se voir zigouiller à la moindre tempête de neige et pas certain qu’Hercule Poirot soit encore disponible pour débrouiller l’affaire.
Le Transsibérien du père Cendrars (1 ) et de Corto Maltese dans le genre n’est pas mal non plus mais bon sang, c’est un peu loin et pas vraiment ma direction et franchement je n’ai pas grand chose à faire par là bas en ce moment.
Aussi, voyez comme la vie est bien faite et je te le donne en mille Emile, pour les Cévennes, c’est comme chez Casto … y a tout ce qu’y faut : Le Cévenol !
Ah parle moi de ça ! Un train qui chemine pépère du Velay aux Cévennes en se glissant dans les gorges de l’Allier, qu’est ce que tu veux de mieux ?
Et voilà comment je me retrouve embarqué pour un petit voyage de Langeac à Genolhac et retour par ce beau samedi de mars.
… Pourtant l’affaire s’emmanchait mal …
Huit heure trente, guichet de la gare de Langeac :
– Un aller retour pour Genolhac s’il vous plait …
– A ben… ll va y avoir du retard, le train est rentré dans une voiture à Brassac les Mines. Je ne peux va dire combien, problement une demi heure, peut être plus…
Voilà ce que c’est que de vouloir jouer les aventuriers, on s’expose au pire… Et puis quand ce ne sont pas les voitures ou de stupides vaches qui bloquent les voies et bien ce sont les rochers, chatouillés par le dégel, qui viennent pertuber le périple…
Si, si… à peine partis, à peine engagés dans les gorges, le convoi stoppe dans un crissement de freins et une escouade composée du contrôleur, du mécanicien et d’un costaud de service descend du train pour pousser l’importun rocher dans le précipice.
Enfin que dire de plus ? Qu’après les embarras du matin le train est arrivé à bon port. Que la gastronomie cévenole en vaut une autre. Que le trajet du retour s’est déroulé sans problème.
Sinon qu’à quarante kilomètre heure dans les gorges de l’Allier on a bien le temps de se délecter du paysage.
Les orgues basaltiques plongent dans la rivière dans un accord parfait. Par endroit les eaux sont encore prises pas les glaces, l’hiver peine à laisser sa place au printemps. Des villages aux maisons de pierre et aux églises aux clochers à peigne surgissent aux détours de la voie. Des cascades bouillonnent dans la gorge, la végétation est encore engourdie par le froid, des plaques de neige s’incrustent dans l’ombre de l’ubac de la vallée.
Perchés sur les sommets des vestiges de châteaux et de tours de guet surveillent les défilés et les ponts. Nul doute que dans les temps anciens les voyageurs et les marchands devaient s’acquitter de substantiels droits de péages pour les franchir…
Le train lui continue sa route…
Et ainsi va la vie tranquille dans ces montagnes sauvages et apaisées tandis que la bouillotte du monde siffle sur le réchaud de l’Internet que la course à l’exotisme n’en finit plus de péter plus haut que son …
… que la partie charnue du dos où celui perd son nom.
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(1) En ce temps-là j’étais en mon adolescence
J’avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J’étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares (…)
Blaise Cendrars. Prose du Transibérien
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